Si Verdey m'était conté.

Recherches et rédaction Annie Bouatou.

Tome II

de la révolution de 1789 ... à celle de 1830.

Avertissement :

Le contenu de l’article qui suit n’est pas scientifiquement établi. Il résulte de la compilation d’informations issues de nombreuses sources :
• Archives départementales de l’Aube
• Archives départementales de la Marne
• Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes
• Les petits bollandistes – Vie des saints
• Mémoires de la société d’agriculture, sciences et arts du département de l’Aube
• La ville de Sézanne et l’abbaye du Reclus
• Collection des principaux cartulaires de Troyes
• Archives de la France monastique
• Liste des prieurés et hôpitaux de l’ancien diocèse de Troyes
• Les volontaires nationaux pendant la Révolution
... entre autres.

Mœurs-Verdey

Repères

Prise le la bastille. Jean-Pierre Houël. (1789)

La Révolution de 1789 est une période de bouleversements sociaux et politiques de la fin du XVIIIéme siècle. La période habituellement comprise s'étend entre l'ouverture des États généraux, le 5 mai 1789, et au plus tard le coup d'État de Napoléon Bonaparte le 9 novembre 1799 (18 brumaire de l'an VIII). Cette période de l'histoire de France a mis fin à l'Ancien Régime en remplaçant la monarchie absolue par divers régimes, dont la Première République (1798-1804).

Mœurs-Verdey

La vente des biens nationaux issus de l’Abbaye Montier La Celle.

Décidée par les décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars 1790, la vente des biens nationaux devait résoudre la crise financière provoquée par la Révolution. Les biens nationaux dits de « première origine » comprenaient les biens du clergé. Jusqu’en 1795, ils seront vendus au chef-lieu de chaque district par l’administration de cette circonscription et au plus offrant (ventes aux enchères). Les ventes ont été réalisées à la « requête de M. le Procureur général Sindic2 du département de la Marne ». Elles ont été réalisées « en la présence des administrateurs du district de Sézanne : Louis Etienne Thevenin, Auguste Destrées, Jacques Michel Brulley et Cyr Nicolas Gautrot ». Les « Procès-verbaux d’enchère et d’adjudication de domaines nationaux » rendent compte de l’intérêt que ces biens ont suscité : de 60 enchérisseurs ! Ceux-ci demeuraient majoritairement à Sézanne (33). Mais des habitants de Verdey (4), Lachy (3), Les Essarts lés Sézanne (1) ont également participé aux enchères tout comme certains plus éloignés (Esternay, Soizy au Bois, Orbais, Janvilliers et même Paris). C’est ainsi que les biens que l’Abbaye de Montier la Celle possédait à Verdey ont été mis en vente à Sézanne en mars puis juin 1793. Pour préparer ces ventes, le Directoire permanent du district de Sézanne a nommé Jean Claude Lambert1 géomètre expert demeurant à Sézanne pour, d’une part dresser l’inventaire des biens et, d’autre part évaluer leur valeur. Le 24 avril 1793 il remet son rapport et celui-ci servira à chaque fois lors des enchères. Il a ainsi répertorié : un moulin à eau, des terres labourables (9 pièces), des prés (24 pièces), des bois et une grange.

Les métiers les plus représentés étaient des marchands (15), des vignerons (10) et quelques cultivateurs, bergers et laboureurs (7). Pourtant on trouve aussi un juge de tribunal, le directeur de la gendarmerie nationale de Sézanne, un notaire, un architecte et même le Directeur de la Compagnie des Indes. Il a acquis 3 lots de terre négociés par Me Claude François Rivot, notaire public à Sézanne.

Dés 1792, le moulin de Verdey avait fait l’objet d’une offre d’achat par le Sieur Gay de Saint Just, demande relayée par le Sieur Thévenin, administrateur du Directoire de Sézanne. Le procureur général et le Directoire avaient répondu par la négative.

Avant d’être mis en vente ce moulin a fait l’objet d’une expertise en mai 1793 pour décider s’il devait être vendu ou détruit. C’est Jean Claude Lambert (cf. infra) qui a réalisé cette expertise. Considérant que le moulin « ... est situé au milieu de la principale place de Verdey ... qu’il est alimenté par l’eau des trois sources qui se trouvent sur ladite place, partie de ces eaux servant à l’abreuvage de tous les bestiaux du lieu, ... qu’il facilite le moulage des grains des habitants de la commune ... le moulin est d’une utilité réelle pour Verdey ». Lors des enchères, il a finalement été acquis par Nicolas Alexandre Bollot pour la somme de 7 000 francs. Lequel Nicolas Alexandre Bollot est également devenu propriétaire d’une pièce comprenant un pré de 2,5 arpents et 6 arpents de bois pour 12 000 livres tandis que Jean Baptiste Bollot achetait une grange pour 520 livres.

L’ensemble de ces ventes rapporta un peu plus de 143 000 livres pour une mise à prix de près de 70 000 livres : belle « affaire » pour la Nation !

1 Jean Claude Lambert était également chef de conduite des Ponts et Chaussées du district de Sézanne

2 Dans chaque administration de département, il y a un procureur général sindic et dans chaque administration de district, il y a un procureur sindic. Ils sont élus par les citoyens du département ou du district et constituent l’unique lien entre le pouvoir exécutif et les administrations directes.

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Enchères et Adjudication de Domaines nationaux de la la municipalité de Verdey en 1793 (an II de la République)


 

 

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Plan de la parcelle du presbytère

 Légende :

A : verger soumissionné par le citoyen Lebreton contenant environ 130 perches et estimé à 550 livres

B, C, E : jardinet et bâtiment soumissionné par le citoyen Bollot contenant en totalité 85 perches 2/3 estimé à la somme de 2 610 livres

D : cour – on peut voir l’entrée

G et H forment ensemble le passage de voiture de la grange

J : église

K : cimetière


 

La « saga » du presbytère de Verdey

Mais les ventes des Biens nationaux ne s’arrêtent pas là. En effet, en 1796, c’est la vente du presbytère et du terrain sur lequel il est construit. Ce terrain comprend, outre le presbytère, un clos planté d’arbres fruitiers. Il est décidé de le vendre en deux lots : d’une part le presbytère avec son jardin, ses dépendances et sa grange et d’autre part, le clos planté d’arbres fruitiers.

On trouve alors une description du presbytère de Verdey. Il « consiste en un vestibule ...
à droite de celui est une petite cuisine avec cabinet derrière dans le petit bâtiment en retour et une petite chambre et cabinet sous lesquels est une espèce de cave ... de laiterie ;

à gauche dudit vestibule sont deux ... avec un cabinet à la suite ayant jour sur la place seulement sur la chambre et la cuisine
et ledit bâtiment construit en pierres avec mortier ... en chaux et couvert en tuiles ; en avant du presbytère est la ... d’entrée dans laquelle et dans ... butant sont deux appentis construit en plancher et couvert en tuiles plates derrière icelui est une petite terrasse donnant sur la rue des Essarts ;

au bout d’icelui presbytère les deux jardinets potagers élevés par gradins ... la nature du sol, le tout fermé de mur et à côté dudit jardinet est la cour, la grange écurie exploitée par le ci-devant curé de la ci-devant fabrique.
Au derrière de l’église clôture sur jardin et le verger soumissionné par le citoyen Le Breton dépendant de même de la ci-devant fabrique ».

Deux expertises ont été nécessaires pour évaluer ces deux lots. Une première expertise est conduite en juillet 1796 par Pierre Frérot « l’aîné », expert auprès du département de la Marne. Les deux acquéreurs potentiels, Nicolas Alexandre Bollot et le citoyen Lebreton, contestant les conclusions de cette expertise, une seconde expertise est diligentée par le département de la Marne. Cette seconde expertise, toujours confiée à Pierre Frérot se déroule en présence de Pierre Louis Bijot, commissaire du Directoire exécutif auprès de l’administration municipale du canton de Sézanne, ainsi que de Jean Claude Lambert mandaté par Nicolas Alexandre Bollot.

Finalement, c’est le 2 Fructidor an 4 (19 août 1796) que les ventes sont réalisées. Nicolas Alexandre Bollot acquiert le presbytère pour la somme de 2 610 livres. Le citoyen Lebreton acquiert le clos pour 550 livres.

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Ancienne porte murée côté cour du presbytère


 

Pétition des habitants de Verdey contre Nicolas Alexandre Bollot

Mais début 1797, une pétition3 est adressée aux Administrateurs du District de Sézanne pour «exiger une servitude sur la cour du presbytère vendue au sieur Bollot ». Il s’agit de s’introduire dans l’église par une porte faisant face au presbytère et non par la porte donnant dans le cimetière « dont la pente est considérable et l’entrée incommode4 ». Cette porte, que souhaitent utiliser les pétitionnaires, était située dans une cour qui desservait d’un côté le presbytère et de l’autre côté la porte « qui de temps immémorial » a servi d’entrée à l’église tant pour les curés que pour les habitants. Nicolas Alexandre Bollot s’est « emparé sans droit ni réclamation de la totalité de la cour ... » et a fait « murer la porte de l’église au grand étonnement de tous les habitants « qui ne peuvent s’empêcher de témoigner leur indignation d’une voie de fait ... Considérés citoyens administrateurs qu’il vous plaise autoriser l’agent municipal de la commune de Verdey à former à frais communs contre le citoyen Nicolas Alexandre Bollot toutes demandes nécessaires pour le faire condamner à faire démolir le mur qu’il a fait construire à l’effet de boucher la porte d’entrée de la ci-devant église »... Dans un moment où les législateurs n’ont encore rendu aucune décision relative aux églises, que l’on ignore si elles seront laissées aux communes pour y exercer leur culte ou si elles seront vendues au profit de la Nation, il ne peut certainement dépendre d’un particulier de frustrer la communauté ou la nation d’un droit de jouissance qui a toujours existé. La réclamation des habitants soussignés est d’autant mieux fondée que le citoyen Bollot ne peut s’en plaindre attendu qu’il a acheté à la charge des servitudes ... et qu’il ne peut ignorer que de tous temps les habitants de Verdey ont passé par la cour commune dont il s’agit pour aller à la principale porte d’entrée de la ci-devant église ».

Le 4 Floréal an V (23 avril 1797), le citoyen Bollot est convoqué sur place : « J’ai été invité par une lettre du secrétaire de l’Administration municipale du canton de Sézanne du 3 du présent à me trouver hier le 4 pour être présent aux renseignements que devait prendre un membre de ladite administration qui devait se transporter dans la cour du cydevant presbytère de Verdey lieu est-il dit de litige entre la commune dudit Verdey et moi et ce d’après un arrêté par vous pris le 23 Germinal dernier sur une pétition de plusieurs citoyens de Verdey. J’ai cru devoir me rendre à cette invitation bien que je n’ai eu aucune connaissance di de la pétition ni de son objet ».

Le lendemain, 5 Floréal, il adresse une lettre aux administrateurs du District. Il y indique que :

-  « ladite porte située en face de celle du presbytère n’était qu’une porte de facilité pour permettre au curé d’aller directement au presbytère » ; -  « On ne m’a fait en me vendant aucune réserve ; le procès-verbal d’estimation a été signé du Commissaire du Directoire Exécutif ; il y a même eu deux visites ; -  J’ai donc cru devoir empêcher qu’on ne sortit de l’église par ma cour, qu’on ne s’introduisit chez moi par l’église et je ne pense pas que ce droit puisse m’être contesté » ; -  « on me menace d’un procès ; c’est le 4ème qu’on me suscite depuis que j’ai acquis le presbytère de Verdey ; et celui-là n’a pas plus de fondement que les autres ».

Ce même 5 Floréal an V (24 avril 1797), l’administration municipale rend son avis : « Considérant :

-  que l’usage de la porte de l’église donnant sur la cour du ci-devant presbytère est nécessaire aux habitants de Verdey pour se rendre à leurs assemblées communales ;

-  qu’il paraît qu’ils ont toujours usé du passage par ladite cour et que si les ci- devant curés s’y sont quelquefois opposés l’a toujours été sans succès quoi qu’ils eussent pu l’interdire de fait en fermant la porte d’entrée de leur cour ;

-  que le citoyen Bollot, en faisant murer du côté de ladite cour, l’entrée de l’église, nous paraît troubler les pétitionnaires et toute la commune de Verdey dans leur profession et jouissance du passage ; -  que le passage par la porte de l’église qui se trouve placée au côté opposé est peu fréquenté par la raison qu’on ne peut parvenir à cette porte qu’en traversant le cimetière dont la pente est considérable et l’entrée incommode ;

-  que cette entrée n’est accessible que par une petite porte grillagée et que cette ouverture étroite ne semble point annoncer que la porte de l’église qui y correspond soit la principale entrée de cet édifice . Le commissaire du Directoire exécutif entendu, l’administration municipale est ... qu’il y a lieu par le département d’autoriser l’agent de la commune de Verdey, et à défaut son adjoint, à former et suivre la demande dont il s’agit. Comme intéressant la commune entière, par devant le Tribunal compétent, à diriger toute procédure relative à cette affaire tant de première instance que d’appel et jusqu’au jugement définitif »

Il n’a été trouvé aucun document donnant le verdict du « Tribunal compétent ».

3 Ont signé la pétition : Cordelier, Richard, Matthieu, Brochet, Matthieu, Pilley, Jean Matthieu, Pierre Chevroz agent municipal

4 Il est indiqué, dans l’avis de l’administration qu’il s’agit « d’une petite porte grillagée avec une ouverture est étroite »

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Comment le presbytère de Verdey redevient ... Bien National

Le 15 avril 1814 Nicolas Alexandre Bollot, alors limonadier, décède en sa maison de la grande rue de Sézanne à l’âge de 64 ans. Il laisse une veuve Madeleine Godot et 4 héritiers : Honoré Alexandre (chasseur à pied voltigeur de la garde impériale puis huissier royal), Prudent (cultivateur à Broyes), Prudent Isidore (laboureur à Broyes) et Rose Eléonore (mineure émancipée).

Or Nicolas Alexandre Bollot est décédé insolvable. Il devait encore 498,76 francs pour finir de payer le presbytère.

Le 19 avril 1817, le directeur de l’enregistrement demande au préfet de prononcer la déchéance des héritiers de Nicolas Alexandre Bollot acquéreur suivant contrat du 2 fructidor an 4 du presbytère de Verdey au motif que ce bien appartient à l’État.

Le 24 avril 1817, le préfet de la Marne considérant :

-  « qu’au 30 octobre 1813 le restant dû était de 498,76 francs » ;

-  « qu’il résulte des renseignements produits que les avertissements, notifications et commandements employés à obtenir le paiement de ce qui reste dû sur le prix de l’acquisition dont il s’agit n’ont produit aucun résultat »

arrête :

-  « les représentants du Sieur Nicolas Alexandre Bollot acquéreur par procès-verbal de vente du 2 Fructidor an 4 du presbytère de Verdey moyennant la somme de 2 610F ... demeurent déchus du bénéfice de la dite vente » ;

-  l’administration des domaines est autorisée à reprendre possession du bien qui font l’objet de cette vente pour être régi et administré comme bien

appartenant à l’État »

 

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Acte de récupération du presbytère par l'État en 1817, page 1. (Archives départementales de la Marne)


 

 

Revente du terrain de ... l’ancien presbytère

Le 18 juin 1818, il est procédé à l’expertise de 60 ares de terrain formant l’emplacement du presbytère de la commune de Verdey appartenant aux domaines par déchéance de l’ayant-droit. Le 16 juin 1821, il est procédé à la vente d’enchère et adjudication définitive de biens de l’État. Il s’agit du terrain formant l’emplacement de l’ancien presbytère expertisé le 18 juin 1818. La mise à prix est de 300 francs. Sur le premier feu, il a été fait une offre de 305 F du sieur Jean Baptiste BOLLOT, cultivateur, et Antoine MAURIO. Le dernier feu s’étant éteint sans que personne ait fait aucune enchère pendant sa durée, adjugé définitivement aux sieurs BOLLOT et MAURIO.L’expertise est réalisée par Bernard Coiron géomètre nommé par le préfet. « Tient du côté du midi à une ruelle conduisant aux Essarts lés Sézanne limité de ce côté par une haie vive et d’anciens murs de clôture, d’autre côté à un jardin aux héritiers Deslembert de Verdey, d’un bout du couchant à un clos appartenant au sieur Voisembert jardinier à Sézanne séparé de ce dernier par un gros mur en pierres qui est en partie dégradé depuis la suppression du presbytère, d’un bout du levant à la rue et en haut au cimetière et à l’église laquelle pièce ne contient que quarante- trois ares vingt centiares ou cent deux perches mesure locale de vingt pieds pour perches et cent perches carrées pour l’arpent au lieu de soixante qui sont portés à l’article de l’arrêté de Monsieur le préfet ... »